Par Julien Martin, journaliste à Rue89
Quand on a créé Rue89, on avait comme objectifs d’être indépendant, participatif et multimédia. Multimédia, au sens de plusieurs médias : l’écrit évidemment, mais aussi le son, la vidéo, la photo, les graphiques… Si cela existait déjà avant mai 2007 et la naissance de Rue89, tout était très compartimenté. En témoigne le site TeleObs, qui mettait les vidéos de l’Obs bien à part du site du Nouvel Obs. Cette écriture multimédia à Rue89 n’a pas été immédiate pour autant. Nous sommes aussi partis de vidéos quasi brutes, avec un seul paragraphe en guise d’introduction, à l’image des lancements dans l’audiovisuel. Puis, à tâtons, on s’est mis très vite à créer une véritable écriture multimédia, en articulant naturellement plusieurs médias au sein d’un même article.
Ce mélange est né d’une volonté de faire disparaître les contraintes de chacun des médias, véritable apport du multimédia. Désormais, sur le Web, la contrainte du média n’existe quasiment plus pour les journalistes :
• Un journaliste Web n’est pas contraint, comme en télévision, de relater une garde à vue avec des images prétextes (une voiture, un bâtiment…), alors que l’écrit serait plus précis.
• Un journaliste Web n’est pas contraint non plus, comme en presse écrite, de décrire des violences avec tous les superlatifs possibles, alors qu’une vidéo serait bien plus parlante.
La disparition de ces contraintes en fait toutefois naître d’autres, qui peuvent néanmoins être neutralisée si elles sont maîtrisées :
• Ecrire de manière compréhensible pour ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas voir une vidéo ou écouter un son.
• Etre polyvalent et savoir faire de la vidéo, du son, de la photo…
• Apprendre à se limiter dans un univers sans limite de temps ou de taille.
Une règle est à toujours garder en tête : ne pas faire du multimédia pour faire du multimédia ; ce n’est pas un élément décoratif. Autrement dit, la vidéo ou le son doit apporter une réelle plus-value à l’article, de l’information plus que de la beauté. Le multimédia doit correctement s’intégrer dans l’article : il ne s’agit pas d’écrire un texte et de mettre à côté une vidéo ou un son.
Comment faire cohabiter du texte avec du contenu son ou vidéo ? Il faut avoir deux préoccupations à l’esprit :
• Bien choisir les médias à utiliser. Par exemple, ne pas multiplier les interviews en vidéo ou en son si ça n’en vaut pas la peine. S’il n’y a que deux phrases intéressantes, autant les retranscrire par écrit, sauf déclaration exceptionnelle.
• Ne pas oublier les internautes qui ne peuvent pas ou ne veulent pas écouter ou regarder des sons ou des vidéos. Parce qu’ils sont au travail, ne disposent pas d’une connexion suffisante, ne sont pas habitués ou n’aiment pas. Une part importante des internautes ne lisent que le texte.
Si la première préoccupation peut-être aisément résolue, il n’en est pas forcément de même pour le seconde. L’une des solutions consiste en un savant mélange d’extraits et de documents bruts. Il convient d’extraire par écrit la ou les principales citations contenues dans le son ou la vidéo et de les reproduire juste avant par écrit.
Ainsi, si un internaute souhaite en savoir plus, il lui suffit d’écouter le son ou de regarder la vidéo. A l’inverse, si un internaute ne peut pas ou ne veut pas écouter le son ou regarder la vidéo, il peut passer au paragraphe suivant, sans perdre le fil de l’article.
Ce sont les préoccupations que le journaliste Web doit avoir en rédigeant son article. Des préoccupations qui doivent s’accompagner d’une certaine polyvalence en amont. Sur le terrain, il faut apprendre à jongler entre une caméra et un stylo, un enregistreur audio et un appareil photo.
Lorsqu’on pratique le journalisme dit “assis”, il ne faut pas se montrer moins habile. Il convient de savoir monter une vidéo, capter du son, se servir des ressources déjà existantes sur le Web… Toujours dans le but d’enrichir au maximum et de manière optimale son article.