Erwann Gaucher : « La PQR a les moyens de se démarquer sur Internet »


Invité des 2èmes entretiens du webjournalisme, Erwann Gaucher(*) sera présent lors de la table ronde n°3 consacrée aux médias locaux face aux défis de l’Internet. L’occasion de recueillir son avis sur la question.

Erwann Gaucher : "une grande partie de la PQR accuse un retard".


La presse quotidienne régionale (PQR) a-t-elle réussi à négocier le passage au numérique ?

Une grande partie de la PQR accuse aujourd’hui un retard, les rédactions tardent à s’y mettre. Certains titres sont pourtant assez novateurs dans leur approche, je pense au Télégramme.com qui est un précurseur au sein des médias locaux. Trop souvent, le site web des journaux n’est que la copie de la version papier, voire pire un condensé de dépêches en provenance des agences.

Ce retard peut-il être rattrapé ?

Bien sûr ! Pour être en phase avec Internet et les médias numériques, il n’est pas nécessaire de maîtriser tout ce qui a existé auparavant. L’essentiel, c’est de se projeter dans l’avenir et de mettre les outils à disposition au service d’une ligne éditoriale. L’exemple de France Télévision est assez représentatif : avec leur nouveau site, ils tentent d’innover et proposent une nouvelle façon de consommer l’information.

Quel est le mot d’ordre aujourd’hui pour réussir la transition vers les médias numériques ?

Expérimenter, sans aucun doute. Le web est en constante redéfinition, il n’existe pas de modèle unique, et c’est en tâtonnant que l’on réussit à trouver un équilibre.

De quelle façon la PQR peut-elle utiliser les nouveaux outils offerts par Internet ?

Je suis surpris de constater le faible engouement des journaux locaux pour la géolocalisation. Si il y a bien un type de média qui pourrait s’en servir c’est la PQR !

Et la vidéo dans tout ça ?

Attention, le web n’est pas la télévision. Les formats sont différents, et les internautes n’ont pas les mêmes attentes. Faire de la vidéo pour faire de la vidéo n’a en soi pas grand intérêt, l’important c’est de mettre l’outil au service d’une ligne éditoriale et pas l’inverse. Dans ces conditions les contenus audiovisuels prennent tout leur sens et apportent une plus-value au travail journalistique.

Alors que son lectorat est assez âgé, n’est-ce pas un peu paradoxal pour la PQR de faire le pari du numérique ?

Au contraire, c’est l’occasion de toucher un nouveau public. L’enjeu est de taille car on assiste en ce moment à une recrudescence des pure players locaux tels que Rue89Lyon. Il est encore temps pour la PQR de prendre le train en marche mais si elle tarde trop, elle risque de devenir très vite dépassée.

Instaurer un service multimédia a un coût, l’argument économique peut-il freiner ce développement ?

Que ce soit pour s’équiper avec matériel adapté ou pour recruter des professionnels de l’Internet, il faut compter un investissement de départ, mais il reste négligeable. Regardez le prix du matériel d’impression : si un journal souhaite moderniser ses rotatives, la facture peut facilement se chiffrer en millions d’euros. Vu le contexte économique actuel dans le monde de la presse, Internet peut devenir une nouvelle source de profit. Le Figaro l’a bien compris puisqu’aujourd’hui, 30% des revenus publicitaires sont générés par son site.

Interview réalisée par Thomas Deszpot

(*) Erwann Gaucher est journaliste et consultant, vous pouvez le retrouver sur son site Cross Media Consulting ou sur Twitter : @egaucher


A propos de Obsweb

Le programme de recherche OBSWEB - Observatoire du webjournalisme (CREM - Université de Metz) étudie les transformations en cours au sein de la presse d’information avec l’avènement d’Internet et de l'écriture multimédia.