Daniel Lebègue, président de Transparency international France et président du comité d’éthique et de déontologie du Monde, apporte son analyse sur le débat ” le journaliste et le lobbyiste : comment éviter les conflits d’intérêts ? “
Journalistes et lobbyistes réunis autour d’une table ronde : ce n’est pas courant ?
C’est une bonne initiative de réunir autour d’une même table journalistes, lobbyistes et puis des acteurs de la société civile (ONG). Parce que si nous voulons, en France, améliorer les pratiques de lobbying, avoir plus de transparence, des règles du jeu, de la déontologie mais aussi des contrôles et des sanctions lorsqu’il y a des dérives, il faut que toutes les parties prenantes y contribuent.
Finalement, comment éviter les conflits d’intérêts entre journalistes et lobbyistes ?
Les rédactions, les médias doivent se doter d’une charte ou d’un code de déontologie et le rendent publique. Il est utile qu’il y ait auprès de la rédaction, un organe de contrôle. Au sein du groupe Le Monde, un comité d’éthique a été créé. Il faut veiller au respect et à la bonne application de la déontologie définie et rendue publique comme pour les cadeaux, les invitations.
Vous avez dit “le lobbying est quelque chose de normal et légitime”. Pourquoi ?
Le lobbying, c’est le fait pour des groupes de faire valoir leurs intérêts auprès des décideurs publics. Dans une société démocratique, il est normal que les organisations fassent valoir leur point de vue, leurs propositions. Le lobbying, c’est la vie, c’est la démocratie. Comment un décideur, un ministre ou un responsable peut-il en connaissance de cause voter une loi ou prendre une décision s’il n’a pas d’abord consulté les différents intérêts en présence ? C’est inhérent à une société ouverte et démocratique.
Les citoyens n’acceptent plus qu’on prenne des décisions sans les avoir préalablement consultés et écoutés. Il faut leur donner le temps de s’exprimer. Aujourd’hui, c’est une mention incontournable d’une démocratie moderne. Je crois que le lobbying fait partie de cela, il faut l’accepter. Mais il faut se donner quelques règles du jeu.”
Le fait d’informer le lecteur sur les liens qui existent est-il suffisant ?
A Transparency international France, les deux leviers principaux sur lesquels on doit agir, c’est la transparence et les règles du jeu déontologique. D’une part, les journalistes devraient déclarer leurs intérêts lorsqu’ils en ont. Les citoyens ont le droit de savoir. On doit aussi savoir par quels moyens les lobbies opèrent.
D’autre part, les règles du jeu déontologiques doivent être respectées par les journalistes et les lobbyistes. Les règles du jeu sont les mêmes. Ils doivent déterminer ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire. Quand quelqu’un est rémunéré pour une participation quelconque cela doit être spécifié. Enfin, il faut sanctionner les mauvaises pratiques et les dérives lorsqu’on est en présence de trafic d’influence. ”
Revivez le live de cette table ronde
Déborah Pierson et Hugo Cappelaere