“Je travaille avec des hackers qui décryptent ce que je ne peux pas interpréter”


Pierre Alonso est un jeune journaliste. Passé par Owni, il est un observateur de la “cyber-guéguerre” qui se joue sur le web. Adepte des technologies de la surveillance et “hacktiviste”, il intervenait aux Assises du journalisme sur la question d’une possible collaboration entre journalistes et hackers. Et il livre ses impressions à Obsweb.

Pierre Alonso-rencontre hackers journalistes/AM

Pierre Alonso est intervenu lors du débat sur la collaboration entre hackers et journalistes

Vos réactions à chaud sur la conférence “journalistes et hackers” sur laquelle vous étiez intervenant ?

J’ai beaucoup aimé, il y a eu plusieurs niveaux de discussions. On a parlé de sécurité de façon assez concrète. On a traversé toutes les couches du sujet même si il est clair que l’on pourrait en parler pendant des heures. Nous n’étions pas toujours d’accord car il y avait des personnalités bien différentes parmis les intervenants et c’est ce qui fait la force d’un débat.

Être “hacktiviste”, qu’est-ce que c’est ? Pouvez vous définir le terme pour les néophytes ?

Il s’agit de la contraction du mot “hacker” et du mot “activiste”. Ce sont des gens qui mettent leurs compétences techniques au service d’une cause militante. Comme Wikileaks qui joue sur la transparence ou Telecomix qui lutte contre la censure.

Vous êtes intéressé par la “cyberguerre” et les technologies de surveillance. Depuis combien de temps et pourquoi avoir choisi ces domaines en particulier ?

C’est lié à mes études. J’ai étudié les conflits internationaux et j’avais pour ambition de traiter des questions relatives à cette thématique. Je me suis donc intéressé à ces conflits à travers le numérique.

Vous définiriez-vous plutôt comme un hacker ou comme un journaliste ?

Je ne suis pas un hacker, mais un journaliste. Je n’ai pas de compétences techniques suffisantes. Je travaille néanmoins avec des hackers qui décryptent des phénomènes que je ne sais pas interpréter par moi-même.

Quelle nécessité voyez-vous à la collaboration entre hackers et journalistes ?

Un premier point qui est directement lié à des rudiments de sécurité : qu’est ce qu’il est possible de faire sur internet ? Les hackers peuvent transmettre ces notions aux journalistes. J’ai vécu dans des pays soumis à la censure (en Iran notamment ndlr.) et il vaut mieux, par exemple, être anonyme que chiffré (crypté ndlr.) quand on envoie un mail, pour ne pas se mettre en danger.

Avez-vous déjà collaboré avec des hackers et, justement, qu’est ce que vous en avait retiré ?

Je collabore régulièrement avec des hackers, ce qui me permet de donner du sens à des informations que je ne comprends pas, ou même d’obtenir des informations aussi bien ouvertes que fermées. Ils apportent une expertise, de la même manière qu’un chercheur va aider dans la rédaction d’un article sur un thème précis.

Les récentes révélations de Snowden ou encore “l’affaire des fadettes” vous ont-elles marqué ? Ces affaires ont-elles amplifié l’intérêt des journalistes et des citoyens sur la question de la protection de ses données personnelles?

C’est un vrai problème. Après les révélations d’Edward Snowden, on est confrontés à un double discours : ceux qui disent n’avoir rien a cacher, et ceux qui disent  “oui de toute façon on le savait déjà”. On pouvait s’en douter, sauf que maintenant c’est documenté, on sait que grâce au programme PRISMla NSA a accès aux serveurs des géants du net. En tant que journaliste, j’ai trouvé bien venu de passer de la suspicion au fait authentique, de factualiser une question qui était en suspens.

Regrettez-vous le manque de réactions des citoyens après ses révélations ?

Je le constate plus que je ne le regrette. Nous sommes dans des Etats de droit où nous pouvons demander des comptes à nos élus. Pourtant, personne ne s’est emparé de ces questions. Globalement, le double discours illustre bien le manque d’intérêt sur le sujet. Mais cela va peut-être changer.

Pensez-vous qu’une réelle coopération entre journalistes et hackers va s’opérer dans l’avenir ?

Il y a déjà des initiatives encourageantes comme celle de RSF et ses ateliers numériques. Les révélations d’Edward Snowden vont peut-être activer une prise de conscience. Il serait intéressant que des professionnels interviennent dans les écoles de journalisme. Pour sensibiliser les étudiants et leur montrer la philosophie de base en matière de sécurité et de maniement d’outils. Mais pour le moment, des solutions sont accessibles sur internet pour apprendre à se protéger.

A voir : La carte de cyber-censure

Flavien Vaireaux


A propos de Obsweb

Le programme de recherche OBSWEB - Observatoire du webjournalisme (CREM - Université de Metz) étudie les transformations en cours au sein de la presse d’information avec l’avènement d’Internet et de l'écriture multimédia.