Aline Richard : « Être journaliste avant d’être scientifique »


Invitée de la table ronde sur la vulgarisation de l’information scientifique, Aline Richard, directrice de la rédaction du magazine La Recherche, revient sur les relations entre journalistes et scientifiques.

15376381180_6886eaa786_z

Journaliste de formation, Aline Richard a fait ses classes dans la presse économique.
Photo: Aurélien Glabas

Pourquoi y a-t-il une certaine défiance entre journalistes et scientifiques ?

La défiance entre journalistes et scientifiques ne date pas d’hier. Le scientifique se dit souvent qu’il va être trahi, qu’on n’utilisera pas ses termes. Le journaliste, de son côté, pense que s’il utilise les termes spécifiques, le grand public ne comprendra pas et son travail ne sera pas satisfaisant. Voici à mon avis, une raison évidente de la défiance journalistes/scientifiques.

Le journaliste est-il un médiateur entre le grand public et le scientifique ?

Je n’aime pas tellement ce terme car il sous entend que les journalistes se contentent de donner la parole aux scientifiques. Ce que les journalistes doivent faire, c’est discuter avec les scientifiques, essayer de comprendre de quoi on parle, avec un travail préalable. Nous pouvons ensuite en parler à nos lecteurs ou nos auditeurs en toute responsabilité intellectuelle en replaçant les choses dans un contexte. Voila le travail des journalistes.

Il y a peu de journalistes spécialisés en matière de sciences…

Si on fait bien son travail, on est capable de tout comprendre. A mon avis, la science fait peur, faussement. Si vous êtes journaliste, et si vous travaillez votre sujet, vous pouvez traiter de l’information scientifique. Par exemple, nous avons fait un dossier sur la physique quantique, ce qui n’est pas simple à comprendre. J’ai fait le pari d’engager un jeune diplômé qui n’était pas spécialiste. Il a bouquiné, il a bossé,  il est aujourd’hui spécialisé en physique et il signe dans La Recherche.

Selon vous, qui donnera la meilleure explication entre un journaliste qui se spécialise en sciences et un scientifique qui deviendrait journaliste ?

Pour moi, il faut être journaliste avant d’avoir fait des études de sciences, et non pas l’inverse.  Le contraire n’est pas impossible mais c’est beaucoup plus difficile. C’est par ailleurs l’historique de mon journal, où des scientifiques sont venus écrire. Mais en réalité, c’est beaucoup plus compliqué. Savoir écrire, savoir communiquer, c’est la base de notre métier.

Est-ce que les réseaux sociaux ont un rôle à jouer dans la vulgarisation de l’information scientifique ?

Twitter, comme d’autres réseaux sociaux, nous permet de parler de sciences. Parfois de façon profonde, parfois de façon sérieuse, parfois de façon plus légère. J’ai eu la chance professionnelle d’aller à Fukushima pour voir la centrale accidentée et les zones contaminées. J’ai donc fait un live-tweet sur la centrale, la science, et le nucléaire et j’ai eu beaucoup de retours positifs. Alors oui, c’est une façon d’informer les gens.


A propos de Obsweb

Le programme de recherche OBSWEB - Observatoire du webjournalisme (CREM - Université de Metz) étudie les transformations en cours au sein de la presse d’information avec l’avènement d’Internet et de l'écriture multimédia.