Saurez-vous reconstruire Haïti en mieux ?


WebdocumentaireReconstruire Haïti
Réalisé par :Jean Abbiateci (journaliste de données au Temps à Genève), Florent Maurin (The Pixel Hunt), Pierre Morel (Photojournaliste), Gilles Boisson & Jonathan Fallon (Dotify) et Bérénice Froger (traduction)
Diffusé par : Rue89
Date de mise en ligne : juin 2014
Distinction : prix AFD / Nikon du meilleur webdocumentaire 2014

On se souvient tous du terrible séisme qui a frappé Haïti le 12 janvier 2012. Plus de 200 000 morts, de nombreux blessés et une capitale détruite. Moins d’un mois après, malgré les urgences sanitaires et alimentaires présentes, les projets de reconstruction étaient en ligne de mire. Quatre ans plus tard, comment le pays se porte-t-il ? Y-a-t-il un avenir concret ? Le webdocumentaire « ReConstruire Haïti » essaie de répondre à cette question de manière interactive et enrichie.

Haiti Accueil

Dès le début, l’internaute se trouve immergé dans un environnement haut en couleur et très épuré grâce à une animation et un son d’ambiance. Puis vient l’introduction où on retrouve l’état actuel du pays et ses nombreuses fractures : économie, santé, logement… Très vite le lecteur comprend les « règles du jeu » du reportage : il y aura des choix à faire et ceux-ci auront des conséquences.

Une navigation imposée

Ce long format est basé sur le principe du scrollitelling : le récit (tell) est dévoilé au fur et à mesure que l’internaute va vers le bas de la page (scroll). Ici la navigation est cohérente et pertinente car le fait de devoir aller vers le bas facilite la compréhension. Cette interface est découpée en plusieurs parties ; chacune d’entre elles explore un enjeu de développement important comme l’économie, l’agriculture, les logements par exemple. La navigation est imposée tant par le scrollitelling que par le « menu » du reportage-fiction.
Haiti 6La barre du menu ne permet pas de choisir un thème plutôt qu’un autre : les séquences sont débloquées grâce aux décisions que l’on prend au fur et à mesure, ce qui oblige le lecteur à ne pas manquer des passages importants pour la suite. De plus, la navigation est enrichie par des contenus audios et photographiques qui permettent de rendre le récit dynamique et de le rendre immersif. Au-delà des parties textuelles, bien aérées, les contenus photographiques prennent une place importante dans le récit : plusieurs photos légendées se superposent les unes après les autres et rendent compte de la situation du pays, comme le ferait un album photo. Un retour est tout de même possible sur les chapitres déjà visités.

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“Vous l’avez compris, en Haïti, les choses sont souvent bien plus compliquées qu’il n’y paraît. La reconstruction du pays est un processus long, compliqué et très souvent chaotique. Laissez-nous vous le raconter…”.

Fiction ou réalité 

Tout au long des six chapitres, l’internaute essayera d’offrir un avenir aux habitants et de « reconstruire en mieux ». Ce qui est intéressant c’est le mélange entre la fiction et la réalité. D’une part, les dilemmes sont proposés de manière fictive même si les choix de l’internaute ont des conséquences sur la suite de l’histoire et sur la reconstruction d’Haïti. D’autre part, les problématiques abordées sont réelles et touchent quotidiennement les populations. Le fait de rendre le lecteur actif lui fait prendre conscience de la difficulté à prendre des décisions. Pendant cette phase de « jeu », l’utilisateur entre dans la peau de différents personnages, comme un représentant d’ONG ou un politicien. À la fin du reportage-fiction (chapitre 6), l’internaute se retrouve propulsé en 2020 et peut voir le bilan de ses choix : le pays est-il sauvé ? Dans cette conclusion, on y découvre les nouvelles forces et faiblesses du pays suite aux décisions, ce qui permet à l’internaute de renouveler l’expérience, s’il le souhaite, pour améliorer son “score”.

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like82 POINTS FORTS

– Les contenus qui se mettent en route automatiquement pour attirer l’attention de l’internaute. Ces contenus s’arrêtent dès que le scroll continue, ce qui permet de passer le temps que l’on souhaite sur les différents contenus.

– L’activité et l’interactivité du lecteur qui sont essentielles et centrales dans le reportage-fiction. Ces passages d’interactivité sont couplés avec des moments plus passifs lors des parties textuelles.

– Les « albums photos » qui dynamisent le récit, qui apportent un temps de contemplation et de pause à certains moments de l’histoire.

thumb-downPOINTS FAIBLES

– Le manque de vidéos est le premier point faible de ce docu-fiction ; les contenus auraient pu être audiovisuels ne serait-ce que pour montrer des images d’archives ou bien l’intervention d’experts. Cela aurait apporté un bonus pour l’internaute, c’est-à-dire que de courtes vidéos se seraient mises en route pour expliquer un aspect du pays après l’une de ses décisions.

– La monotonie du reportage-fiction : on s’attend toujours à la même structure. D’un côté, c’est un fonctionnement assez simple et l’internaute ne se perd pas, mais il n’y a pas de surprise ou de petites informations bonus (pop-up).

– L’aspect ludique peut, malheureusement, nuire à l’information transmise car l’internaute risque de se focaliser sur les prises de décisions plutôt que sur l’information et le récit en eux-même. Ici, il s’agit d’un inconvénient propre à chacun.