La presse de proximité tente elle aussi de trouver son chemin à travers la mutation numérique. D’un côté, les acteurs traditionnels du secteur font toujours face à la sempiternelle question du modèle financier. De l’autre, de nouveaux arrivants comme Mediacités rentrent sur le marché et tentent de répondre à un besoin : l’investigation de proximité.
Parmi les médias qui se sont lancés cette année, et qu’on a pu découvrir lors de la 10e édition des Assises du journalisme, on trouve le pure player Mediacités. Basé sur un modèle d’abonnement payant, il entend créer un réseau national d’investigation de proximité en s’implantant dans plusieurs grandes villes de France. En permettant à des pigistes de la presse quotidienne régionale de réaliser des enquêtes qu’ils ne pourraient pas forcément écrire pour leur média habituel, Mediacités a pour but de combler ce que le cofondateur du site, Jacques Trentesaux, qualifie d’insuffisance dans la presse locale.
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Ce manque d’investigation, il l’explique entre autres par les éventuels accords financiers qui lient la presse quotidienne régionale avec certaines collectivités. Un paramètre crucial pour ces médias, qui cherchent toujours à rendre leur production d’information rentable.
« Il y a une demande des lecteurs pour ce genre de travail journalistique »
Que les médias locaux aient encore un bel avenir devant eux, c’était aussi la conviction des participants à l’atelier « La Presse de proximité dans dix ans ». Ils restent en effet la source prioritaire d’information pour les populations, comme l’a encore prouvé l’incident au Lycée Tocqueville à Grasse au cours duquel Nice Matin a assisté à un pic de consultation sur son site alors même qu’aucune info n’était encore publiée. « Si les gens sont venus sur le site internet de Nice Matin, c’est parce qu’ils espéraient y trouver une information sérieuse », estime Emmanuelle Pavillon, directrice départementale de La Nouvelle République.
Cependant, ces lecteurs sont aussi à la recherche de journalisme d’investigation selon Romain Hugon, de l’Union des clubs de la presse de France : «Il y a une demande des lecteurs pour ce genre de travail journalistique». Unanimes, les intervenants ont reconnu qu’il y avait effectivement une insuffisance à ce niveau dans leurs médias respectifs. Mais pas uniquement à cause de supposées conflits d’intérêts financiers avec les collectivités locales.
Didier Vachon, directeur de l’information à France Bleu, avance aussi un problème d’organisation du travail. Dans certaines rédactions où il n’y a que sept journalistes, «on n’a pas le temps de consacrer quinze jours à de l’investigation». Un problème qui ne touche pas que la presse de proximité selon lui, mais toute la presse en général. «La presse locale se confronte aussi à un manque de moyens», ce qui ne facilite pas l’investigation de proximité.
Mais «on agit en complémentarité avec des médias spécialisés type Mediapart» qui sortent des scoops sur lesquels les autres peuvent embrayer. «On ne peut pas tous être des journalistes d’investigation», nuance Paul-Alexis Bernard, manager digital éditorial du groupe Centre France, qui refuse d’opposer le pure player co-fondé par Edwy Plenel et Laurent Mauduit à la presse de proximité. «Nous, on est noyés dans une masse d’information.»
À l’instar d’autres problématiques débattues au cours de cette dixième édition des Assises du journalisme et de l’information, il s’avère être finalement compliqué d’apporter des réponses simples, sans parler du fait d’imaginer l’état de la presse de proximité dans dix ans (mais on peut quand même essayer) . Cependant, on remarque la naissance d’initiatives innovantes, apportant des débuts de solution aussi bien pour les aspects éditoriaux que financiers, comme le prouve le modèle de Mediacités tel que le décrit son cofondateur Jacques Trentesaux : «On a conçu un média qui est multi-ville, ce qui nous permet de baisser les coûts de la structure centrale en mutualisant ses charges. Et on va aussi bénéficier de la transversalité d’une ville à l’autre […] on peut donc aussi jouer la synergie et la mutualisation au niveau éditorial.»
Élie Guckert
Lucas Hueber