Les journalistes au cinéma : Borderline


Troisième et dernier article sur la série « Les journalistes au cinéma ». Place aux films mettant en scène des journalistes borderline. Aucune limite ne peut les arrêter, ils sont prêts à tout pour arriver à leurs objectifs.

Au menu :

Night Call

Le journaliste
Lou Bloom, incarné par Jake Gyllenhaal, est un cameraman indépendant pour sa propre entreprise Video Production News.

L’intrigue
Lou Bloom est un pigiste qui pourrait tuer père et mère pour faire le buzz et gagner de l’argent. Il n’hésite pas à commettre des infractions et mettre en danger ses collègues.

La question déontologique
Commerce et voyeurisme : « Ce JT est une femme qui court en hurlant avec la gorge tranchée  ».

Notre avis
Pour son premier film en tant que réalisateur, Dan Gilroy a sélectionné avec soin son acteur principal pour Night Call. Jake Gyllenhaal interprète un Lou Bloom d’abord hésitant, puis qui prend confiance en lui, au point que sa manière de parler et d’être le rend malaisant.
En effet, Lou Bloom utilise des méthodes illégales pour s’informer des crimes et accidents de la ville. Il enchaîne les infractions durant tout le film. À la recherche du sensationnel, il trafique les informations et n’hésite pas à mettre les autres en danger. Il revend ensuite ses vidéos à une chaîne de télévision. Celle-ci se base sur un journalisme de l’horreur, un voyeurisme morbide qui met de côté la déontologie et l’éthique du journalisme, pourvu que les audiences montent. Lou Bloom est un personnage sombre. Il est tout ce qu’un journaliste ne doit pas être. Tout au long du film, le téléspectateur est en haleine. Mais malgré la face sombre de Lou, le personnage reste attachant, on veut mieux le connaître pour comprendre un peu plus ses motivations.

Camille Rannou & Angélique Toscano

Présentateur vedette : La Légende de Ron Burgundy

Les journalistes
– Ron Burgundy, interprété par Will Ferrell, présentateur du JT de 20h pour Channel 4
– Veronica Corningstone, interprétée par Christina Applegate, journaliste pour Channel 4

L’intrigue
Dans les années 1970, Ron Burgundy, présentateur vedette, règne en maître sur San Diego avec toute son équipe. Mais l’arrivée de la journaliste Veronica Corningstone dans l’équipe de Channel 4 vient chambouler la hiérarchie. Les hostilités entre Ron et Veronica éclatent alors pour la place de présentateur du journal.

La question déontologique
Quelle est la place de la femme dans le journalisme ?

Notre avis
Blagues potaches, scènes gênantes et machisme, voilà ce qui résume Présentateur vedette : La Légende de Ron Burgundy. Ron Burgundy est un présentateur des plus stéréotypés : mégalomane, égocentrique, imbu de sa personne et qui plus est, bête. Pourtant le présentateur est adulé par ses collègues et adoubé par le tout San Diego. Mais quand arrive dans la rédaction Veronica Corningstone, journaliste, ambitieuse et surtout de sexe féminin, la personnalité machiste du protagoniste se révèle. Presque tout le film porte sur cette guerre d’ego stupide.
Le sexisme est présent du début à la fin, marquant vraiment la difficulté du métier à l’époque pour les femmes. Mais la journaliste est ambitieuse. Son objectif est clair : présenter le JT. Mais dans cette rédaction, où les mâles règnent, le mouvement de libération des femmes est inexistant. Ne lui sont confiés que des reportages aux sujets réducteurs. À elle les reportages sur les défilés de chats, aux hommes les sujets importants. Au-delà de la non crédibilité que lui attribuent ses collègues, ces machos n’hésitent pas à exercer de leur pouvoir en la harcelant sexuellement – un collègue lui touche la poitrine sans consentement – et lui proposant à chaque conversation un rendez-vous « galant » ou, pire encore, en lui présentant une érection monstrueuse.
Nous avions prévenu, nous sommes dans ce film, sur la pointe de l’humour. La journaliste est alors vue comme un bout de viande dans la rédaction. Pourtant Véronica succombe au charme de Ron Burgundy mais entre les deux tourtereaux rien ne va plus quand la journaliste arrive à l’écran et commence à présenter le JT à la place de la star. Dès lors, tous les coups bas sont permis entre les deux pour décrocher le saint graal. Mais comme dans toutes les comédies américaines, le film finit sur une « happy end », les amoureux sont plus amoureux que jamais et les deux journalistes finissent par co-présenter le JT. N’est-ce pas un beau message pour les femmes ?

Noémie Koppe & Sarah Ciampa

Envoyés très spéciaux

Les journalistes
– Franck Bonneville, interprété par Gérard Louvin, journaliste au sein de la radio R2I
– Albert Poussin, interprété par Gérard Jugnot, technicien et ingénieur son

L’intrigue
R2i, grande radio nationale, envoie deux reporters couvrir la guerre d’Irak, le journaliste Frank Bonneville et l’ingénieur du son Albert Poussin. Des millions d’auditeurs suivent les aventures des deux reporters qui, à la suite d’une maladresse  de Poussin, n’ont jamais quitté Paris. Cachés à Paris au beau milieu du 18ème arrondissement, les deux hommes essayent néanmoins d’assurer un minimum, et s’inspirent des informations internationales afin de réaliser leurs propres reportages. Afin de rendre leur histoire crédible, ils amplifient le canular au fur et à mesure que la situation se complique.

La question déontologique
Duper les auditeurs : quand la pression de l’audimat l’emporte sur l’éthique

Notre avis
Le personnage incarné par Gérard Lanvin est un reporter véritablement passionné par son métier qu’il place au premier plan dans sa vie. Individualiste et carriériste, Franck Bonneville ne goûte guère aux joies du travail d’équipe, n’hésitant pas à se mettre à dos une partie de la rédaction. Néanmoins, élément moteur de la rédaction R2I, il jouit de la bienveillance de sa direction qui le protège dès que cela est nécessaire. Le journaliste radio incarne une facette du métier de journaliste : l’ambition. Franck Bonneville ne vit que pour l’euphorie que lui procure son métier. Révéler de nombreux scoops dans ses chroniques quotidiennes.
Au sein de R2I, on observe que l’information et l’audimat sont deux notions à avoir en tête avant de partir en reportage. En effet, Franck Bonneville se donne corps et âme dans la recherche de scoops au point d’en délaisser sa vie privée. Quant à Albert Poussin, l’ingénieur son, il devait se montrer particulièrement disponible afin de diffuser en bon et due forme les multiples reportages pour la radio.
Le point de tension intervient lorsque le rédacteur en chef impose au journaliste l’ingénieur son Albert Poussin, afin de couvrir en sa compagnie la guerre d’Irak. Après une maladresse de ce dernier, ils se retrouvent à couvrir la dite guerre de Paris. Cachés dans le 18ème arrondissement. Ils font alors croire à des retransmissions en direct depuis l’Irak. Seules sources, les informations internationales recueillies par ci par là. Mais il est trop tard pour dire la vérité, il faut couvrir les faits coûte que coûte. Le film égratigne le monde médiatique, en mettant à l’image deux journalistes finalement peu éthiques et mentant à leurs auditeurs. La raison ? La course à l’audience et une pression du patron indéniable.

Brice Recotillon

L’interview qui tue

 

Les journalistes
– Dave Skylark, interprété par James Franco, animateur du talkshow Skylark Tonight
– Aaron Rappaport, interprété par Seth Rogen, producteur du talkshow

L’intrigue
Deux journalistes célèbres découvrent, par hasard, que Kim Jung-Un est un fan invétéré de leur émission télévisée « Skylark Tonight ». Ils proposent une interview au dirigeant Nord-coréen qui, contre toute attente, accepte. La CIA leur confie la périlleuse mission d’assassiner le dictateur.

La question déontologique
Une interview peut-elle changer le monde ?

Notre avis
Seth Rogen et Evan Goldberg nous offrent un film humoristique dans la continuité de This is the end : humour gras et surenchère de gags sur fond d’apocalypse nucléaire. Une production de copains qui s’amusent à tourner en dérision l’image médiatique des journalistes et des hommes politiques. Pourtant, des enjeux propres aux pratiques journalistiques sont présents. Notamment en ce qui concerne le centre névralgique de l’intrigue, l’interview du dictateur nord coréen.
James Franco, alias Dave Skylark, n’aura de cesse de montrer à quel point la proximité entre l’interviewer et l’interviewé peut être décisive pour le résultat final. Être informé à l’avance sur la personne interrogée devient crucial et des techniques sont exposées en filigrane tout le long du film. Ici, le journaliste choisit de suivre un schéma crescendo en débutant en douceur avec des questions qui vont dans le sens de l’interviewé pour créer un climat de confiance. Il s’attaque ensuite aux questions qui dérangent pour ménager un effet de surprise chez son interlocuteur.
L’interview qui tue n’est pas un film qui se prend au sérieux… Mais qui soulève des questions sérieuses, notamment sur l’influence du journalisme sur le politique et les relations internationales.

Caroline Alonso Alvarez & Justyne Stengel