Les journalistes au cinéma : Les héros


Comme disait Oncle Ben dans Spider-Man, « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. » Mythes, sauveurs et honnêtes hommes, retour sur 4 films qui ont mis en scène des journalistes héros, dans le deuxième épisode de notre série « Les journalistes au cinéma ».

Au menu :

 

Citizen Kane

 

Les journalistes
Jerry Thompson, incarné par William Alland, journaliste d’investigation dans un média inconnu.
Charles Foster Kane, incarné par Orson Welles, propriétaire de journaux dont l’Inquirer, le sujet central du film

L’histoire
Jerry Thompson, journaliste, mène l’enquête sur le dernier mot prononcé par Charles Foster Kane : « Rosebud ». Il s’intéresse à l’identité de cet homme à la carrière fabuleuse. Kane possédait, entre autres, un journal nommé « L’inquirer », qu’il utilisait pour dénoncer des scandales.

La question déontologique
La déontologie et la minutie de Thompson qui s’opposent à l’extravagance et au peu de scrupules de Kane.

Notre avis
Nous avons apprécié le film dans son ensemble, quoi qu’un peu longuet sur la fin. La vie de Charles Foster Kane est intéressante et décrite ici de façon originale, assez décousue. On se retrouve fasciné par son ascension comme par sa chute, racontées à travers une enquête et les témoignages de personnages tout aussi intéressants. Du point de vue de la réalisation, nous nous attendions à être rebuté par l’ancienneté du film mais il n’en est rien. Nous trouvons que le film livre aussi une réflexion assez intéressante sur le métier de journaliste. D’un côté Thompson, très professionnel dans la façon de mener son enquête, pour obtenir au final de l’information « sensationnaliste », ne fait au fond que surfer sur le buzz de la mort d’une célébrité. De l’autre Charles Foster Kane, pas déontologique pour un sou, mais qui pourtant souhaite proposer de la véritable information aux lecteurs, quitte à révéler des vérités qui dérangent.

 

Marielle Pacholski et Valentin Langard

Spider-Man

 

 

Les journalistes
J.K. Simmons incarne John Jonah Jameson, rédacteur en chef du Daily Bugle. Il est colérique et de mauvaise foi. Il n’hésite pas à user de techniques douteuses pour pouvoir vendre son journal.

Tobey Maguire incarne Peter Parker, photojournaliste indépendant. Il vend ses photos au Daily Bugle. Peter refuse de suivre la ligne éditoriale imposée par Jameson.

Topher Grace incarne Eddy Brock/Venom, photojournaliste indépendant. Il est l’opposé de Peter. Il est sociable, arrogant, bien arrangé.

L’histoire
À New-York, l’étudiant Peter Parker se transforme accidentellement en Spider-Man suite à la morsure d’une araignée. Son agilité et sa force sont décuplées et il devient le sauveur de la ville. Il affronte plusieurs ennemis, souvent tiraillé psychologiquement entre héros public et personnage anonyme.

La question déontologique
Quand le buzz et la recherche de profit sont plus importants que la vérité des faits.

Notre avis
Peter Parker est un photographe de presse qui a trouvé la solution pour avoir l’exclusivité des photos de Spider-Man. Il cache et positionne des appareils photos qui se déclenchent lorsque Spider-Man passe devant. Eddy Brock, lui, est le concurrent de Peter Parker. Il veut à tout prix être le numéro 1 pour satisfaire les envies de Jameson, le rédacteur en chef, qui veut voir Spider-Man dans des mauvaises postures. Eddy va donc faire un photomontage qui montre Spider-Man en train de braquer une banque. Jameson, justement ne veut pas de faux, il veut descendre Spider-Man, mais de manière loyale, “légale”, contrairement à Eddy qui se moque de la déontologie journalistique.

Dans le film, la profession de journaliste est montrée de manière simplifiée, en tout cas sans aucune caractéristique des mutations qu’elle connaît aujourd’hui, si ce n’est l’objectif de l’audience, qui fut d’actualité de tout temps. Le film montre un fonctionnement très schématique d’une rédaction : le rédacteur en chef pousse ses journalistes à travailler de la manière la plus lucrative possible, et ces derniers s’exécutent sans réfléchir. Il a des préjugés mais n’ira pas jusqu’à mentir, il garde une certaine éthique. Ce n’est pas parce que l’argent est la principale motivation du journal que ce dernier est forcément de mauvaise qualité.

 

Pierre Thillot et Léo Schaller

Millenium

 

 

Le journaliste
Michael Nyqvist incarne Mikael Blomkvist, journaliste économique à la revue d’investigation Millenium.

L’histoire
Mikael Blomkvist, qui accusait l’homme d’affaires Hans-Erik Wennerström de détournement de fond et de trafic d’armes, est condamné pour diffamation. Le journaliste, mis à l’écart de la revue suite au procès, accepte l’offre d’un riche industriel pour enquêter sur la disparition de sa nièce, il y a 40 ans.

La question déontologique
Rapport du journalisme au “hacking”: entre vulnérabilité et complémentarité

Notre avis
Dans ce premier opus de la trilogie Millenium, adaptée des romans de Stieg Larsson, Mikael Blomkvist incarne le journaliste d’investigation, représenté comme un enquêteur minutieux. La revue indépendante Millenium pour laquelle il travaille met en avant le slow journalism d’investigation économique. A contrario, les médias traditionnels, sont eux représentés lors du procès du journaliste comme sensationnels et dans l’immédiateté permanente. Blomkvist est une figure publique controversée, au centre d’une attention médiatique soutenue.

Mis à l’écart par sa rédaction, il enquête pour le compte d’un riche industriel sur la disparition de sa nièce. Le film montre deux facettes complémentaires de l’investigation. L’enquête principale, autour de la famille Vanger, est d’abord représentée comme prolongement des faits divers. L’affaire Wennerström incarne, quand à elle la dimension politique de l’enquête.

En parallèle, Lisbeth Salander, hackeuse et personnage central, enquête sur le journaliste économique pour le compte d’une entreprise de sécurité. Elle finira par rejoindre Blomkvist sur l’enquête Vanger. Elle met à la fois en lumière la vulnérabilité des journalistes face au hacking mais aussi l’importance de la technologie pour l’enquête avec la complémentarité des compétences informatiques. Il existe néanmoins un décalage entre les recherches de Lisbeth et l’omniprésence du papier comme support de recherche et d’informations pour Mikael.

 

Orlane Jézéquélou et Clément Di Roma

Révélations

 

 

Les journalistes
Lowell Bergman, interprété par Al Pacino, est journaliste-producteur pour l’émission 60 minutes diffusée sur la chaîne CBS. Mike Wallace, interprété par Christopher Plummer, est journaliste-présentateur pour l’émission 60 minutes diffusée sur la chaîne CBS.

L’histoire
S’attaquer à l’industrie du tabac n’est pas chose aisée. Le film retrace les hésitations d’une rédaction qui est partagée entre deux éléments : révéler et protéger. Dès les premières minutes le ton est donné. Son intégrité, sa réputation, et son audience – il s’agit de “l’émission la plus regardée” – Lowell Bergman défend sa posture de journaliste. L’ordre de son argumentaire ne semble pas anodin, et c’est tout le propos du film.

La question déontologique
« Audience ou pas, peu importe. Je ne grille jamais mes sources. »

Notre avis
Avoir une bonne histoire, c’est une chose, savoir l’incarner, comme il faut, sous un format télévisuel, c’en est une autre. Lowell Bergan, journaliste de la chaîne CBS, et personnage principal de l’histoire, considère que les informations secrètes de la société Philip Morris sont de la plus haute importance. C’est pour cela qu’il va, sans relâche, solliciter sa source pour diffuser son témoignage à l’écran. Soucieux de « bien faire » il veut la protéger des menaces avec toujours en tête l’objectif de respecter sa volonté et de « réfléchir ». Parfois, la sincérité du personnage, à la fois « furieux et intrigué » , est assez ambivalente. S’il met en avant sa déontologie, on comprend mal la distance parfois ambiguë qu’il souhaite garder avec son témoin.

Questionner la déontologie et le rapport aux sources. Si l’objectif du film peut être assez vite compris par le spectateur, certaines questions, comme celle de « qui possède les médias » ne sont pas suffisamment exploitées et viennent brouiller le propos général du film. Son style de narration a peut-être également souffert du temps qui passe. 20 ans plus tard, les tableaux sans dialogues sur fond de musiques d’ascenseurs ne sont définitivement plus en phase avec l’image, réaliste ou non, du reporter au cinéma.

 

Émilie N’guyen, Romane Milloch et Léa Ménard