Journalistes pigistes, unissez-vous !


Entretiens du webjournalisme 2018 / Table ronde 3 : Ensemble, c’est mieux

Pour clore la 8e édition des Entretiens du webjournalisme, il est temps d’explorer les solutions face aux différents cas de figures auxquels peuvent être confrontés les pigistes d’aujourd’hui et de demain. La force des collectifs et la solidarité sont à l’honneur.

De gauche à droite : Anne-Gaëlle Moulun (Profession : Pigiste), Élise Descamps (pôle pigistes de la CFDT), Faïza-Naït Bouda (Université de Nice), Jean-Christophe Boulanger (Spiil), Jean-Marie-Charon (sociologue)

Pour animer de cette ultime table ronde, le sociologue Jean-Marie Charon, qui s’est notamment distingué pour ses recherches sur les médias, l’information et le journalisme, en particulier l’évolution du métier de journaliste et la transformation de la presse écrite. Chercheur associé à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales), il a lancé le débat en argumentant sur les difficultés rencontrées par les journalistes pigistes qui avaient été évoquées tout au long de cette journée.

Un point important, rappelé plusieurs fois au cours du débat : lorsque l’on parle de journalistes pigistes, il n’est pas ici question d’un statut particulier mais bien d’un mode de rémunération. Les intervenants ont abordé deux thématiques, la précarité et la solitude, encadrées par la problématique suivante, telle que l’a formulée Jean-Marie Charon : « Parmi toutes les options qui peuvent se présenter face à la solitude du pigiste dans son activité, ne serait-ce pas une bonne idée de se regrouper ? »

Donner une identité aux journalistes pigistes

Une large partie du débat a été consacrée à la présentation du concept de collectifs de journalistes pigistes et de leur fonctionnement. Pour Faïza Naït-Bouda, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Nice-Sophia-Antopolis et enseignante à l’École de journalisme de Cannes, il est important pour les journalistes pigistes de rejoindre ces collectifs car ils leur donnent une véritable identité et une notoriété malheureusement trop souvent refusée au sein de la profession. Ils permettent également de mettre en valeur leurs différences tout en développant « un rapprochement à la norme ». En adhérant à ces groupes, ils mettent en place des chartes, des règlements pour faire valoir leurs droits et leur assurer une certaine reconnaissance mais ont aussi l’opportunité de se retrouver au sein de bureaux et autres espaces de coworking qui se rapprochent des environnements de rédactions traditionnelles. C’est ainsi une manière de remédier aux deux problèmes majeurs qui encadrent les journalistes pigistes : la précarité et la solitude.

Si elle regrette que ces collectifs et ces réseaux s’essoufflent parfois rapidement, Faïza Naït-Boud remarque que depuis leur multiplication, « on n’a jamais autant parlé des journalistes pigistes et de leur condition », et ce depuis les débuts de l’histoire de la presse, alors que les pigistes ont toujours existé. « La question a été relayée dans tous les types de presse. Ils n’ont jamais été aussi visibles », constate-t-elle.

Faire valoir ses droits

La situation des journalistes pigistes a été longtemps mise de côté par les syndicats majoritaires. Aujourd’hui, des pôles se développent aussi au sein de ceux-ci : à la CFDT par exemple, un pôle consacré aux pigistes a récemment vu le jour : « On essaye de se structurer » assure Élise Descamps, journaliste indépendante. Elle en est la coordinatrice, et est également membre du collectif de pigistes lorrains C’est L’Est.

En parallèle, le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) travaille actuellement sur un barème indicatif de rémunération des piges, mais qui n’est pas obligatoire pour ses adhérents. « On veut les aider à être vertueux. On n’est pas encore prêts à le rendre obligatoire car il doit être réaliste », explique Jean-Christophe Boulanger, président de ce syndicat patronal qui a fait le choix de signer la convention collective de travail des journalistes. Ses membres s’engagent ainsi à payer les journalistes uniquement en salaire.

Ces collectifs permettent également à des organismes comme Pôle emploi de mieux connaître la notion de piges.

Échanger sur les ficelles du métier

En se regroupant, les journalistes pigistes peuvent échanger sur les ficelles du métier, notamment à travers des évènements consacrés à la pige. Le collectif Profession : Pigiste organise par exemple tous les ans les « 48h de la Pige », qui allient tables rondes, sessions de travail et ateliers où sont invités de très nombreux intervenants. Lors de cet événement, différentes thématiques sont abordées comme la protection des sources, la manière d’écrire un synopsis ou de vendre ses piges à un média. Pour la journaliste scientifique Anne-Gaëlle Moulun, qui en fut la coprésidente et le représentait à Metz, ce type de rencontres est important, « surtout lorsqu’on débute dans le métier ». Au niveau local, ce sont aussi les clubs de la presse qui jouent ce rôle d’espace de transmission.

Orlane Jézéquélou & Valentin Langard