Quel rôle de l’IA dans les médias en Chine?


En 2016, la Chine annonce pour la première fois l’utilisation d’une intelligence artificielle (IA) dans l’une de ses rédactions. Depuis, la pratique ne fait que s’amplifier dans le pays. À l’occasion de la journée « Newsbots » organisée par le Crem à Metz le 19 novembre 2019, Hanna Tuulonen présentait ses recherches sur l’IA dans les médias chinois.

Hanna Tuulonen a étudié l’influence des newsbots en Chine. (Photo : Téva Vermel)

Hanna Tuulonen est doctorante à la Swedish School of Social Science à Helsinki, en Finlande. Elle étudie l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans les médias chinois, qu’ils soient étatiques ou commerciaux. C’est l’une des rares auteures en sciences humaines à aborder le sujet. Sa recherche, encadrée par Carl-Gustav Lindén, a débuté en janvier 2019. Elle se base sur des données et sur de la recherche empirique sur le terrain. Elle est venue la présenter lors de la journée d’études Les Pratiques journalistiques face aux algorithmes et à l’automatisation, organisée à Metz le 19 novembre par le Centre de recherche sur les médiations (Crem).

Le cas de la Chine est très particulier. La culture informationnelle et le régime politique diffèrent ce que l’on connait en Occident. La Chine essaie de « rattraper son retard » sur les médias occidentaux, notamment grâce à l’IA. Pour ce faire, elle possède déjà toutes les clés lui permettant d’avancer à grands pas dans la course à l’intelligence artificielle : de la puissance informatique, des ingénieurs qualifiés et surtout une politique poussant le développement de l’IA à différentes échelles.

Hanna Tuulonen a pu étudier le cas de quatre grands médias chinois, deux étatiques (China Daily et Xinhua News Agency) et deux commerciaux (Southern China Morning Post et Toutiao). Ces quatre médias utilisent tous l’intelligence artificielle pour produire du contenu. Généralement, il s’agit de contenu informationnel bref et factuel. Il rentre automatiquement dans un cadre prédéfini, à l’instar des résultats sportifs, ou du contenu plus long et écrit, basé sur des communiqués. Ces deux types de contenus se différencient des informations produites exclusivement par des humains, plus écrits, comme le reportage.

L’IA déjà bien présente dans les grands médias chinois

La plupart de ces médias ont développé, en interne, leur système de contenu automatisé. Celui-ci se base sur des données, récoltées à différents endroits comme les services de renseignement, les entreprises ou d’autres sites internet, officiels et/ou payants. Il existe des collaborations des médias avec ces structures. Par exemple, Xinhua travaille avec Alibaba pour créer une plateforme de partage de données pour les autres médias. De son côté, le média Toutiao collabore avec l’université de Pékin pour créer Xiaoming, une plateforme de génération de contenu pour les résultats sportifs.

Un exemple d’utilisation de l’IA en Chine : le personnage de gauche est le vrai présentateur, l’autre a été créé par une intelligence artificielle (Extait de la présentation d’Hanna Tuulonen).

La doctorante étudie également l’influence chinoise sur les médias européens et africains, dans lesquels la Chine investit grandement. Par exemple, 59 millions d’euros à destination de la Lettonie. La censure et la propagande de l’État chinois sont pleinement ancrées dans la démarche des médias ainsi que leur stratégies d’influence extérieure. L’exemple récent de la plateforme TikTok est représentatif de la ligne directrice du pays. Le Washington Post révèle récemment que l’application chinoise censure du contenu produit par des internautes américains, comme des embrassades ou des discours politiques.

Les recherches sur les médias chinois, leur influence sur les autres médias dans le monde et l’utilisation de l’IA sont encore balbutiantes. Notamment en raison de l’opacité du régime et de l’évolution constante du milieu, technologique et médiatique. D’ailleurs, même les médias chinois, comme Xinhua, évaluent actuellement les effets de ces changements. Hanna Tuulonen n’est quant à elle qu’au début de ses recherches, très prometteuses sur ces questions brûlantes.

Retrouvez la conférence d’Hanna Tuulonen en intégralité.